Politique Monétaire : That '70s Show
Faudra-t-il dĂ©clencher une rĂ©cession pour ramener lâinflation Ă 2% ?
Introduction :
Lâenvironnement financier actuel, ou les marchĂ©s actions craignent et prĂ©parent la rĂ©cession dĂšs les premiĂšres hausses des taux de la banque centrale a un gout de dĂ©jĂ -vu. Comme en 70âs, JĂ©rĂŽme Powell a annoncĂ© quâil agirait « quoi quâil en coute » pour contrĂŽler lâinflation. Durant la fin des annĂ©es 60 et 70, les banquiers centraux amĂ©ricains ont entamĂ© un cycle de hausse des taux, alternant le « quoi quâil en coute » avec des phases de relĂąchement Ă la moindre baisse de lâinflation, ce qui a menĂ© Ă toujours plus dâinflation. Le seul Ă avoir agi avec dĂ©termination Ă©tait Paul Volcker, qui a poursuivi sa hausse des taux jusquâĂ en venir Ă bout de lâinflation.
MalgrĂ© le discours agressif (whatever it takes) du prĂ©sident de la FED JĂ©rĂŽme Powell, la stratĂ©gie quâil va adopter reste incertaine. Agira-t-il comme Arthur Burns, PrĂ©sident de 70 Ă 78, ou Paul Volcker (79-87) ?
The 70âs Show, again ?
Comme la pĂ©riode actuelle, la politique monĂ©taire et budgĂ©taire des annĂ©es 70âs prĂ©-Volcker alternait entre une politique de taux directeurs bien en deçà de la croissance des salaires et une politique budgĂ©taire expansionniste (pour rĂ©duire le chĂŽmage en 69-70). Cette approche sâest soldĂ©e par un Ă©chec de la politique monĂ©taire et une perte de la crĂ©dibilitĂ© de la banque centrale, chaque pause nâayant menĂ© quâĂ plus dâinflation.
Retour Ă notre Ă©poque, dĂ©but mai 2022, la rĂ©serve fĂ©dĂ©rale amĂ©ricaine a annoncĂ© le resserrement le plus agressif de la politique monĂ©taire depuis 2000, avec une hausse des taux de 50 points de base, au moins deux hausses en supplĂ©mentaires en Mai et Juin, et pas moins de 2 000 milliards de dollars de de rĂ©duction de son bilan (de 9000 milliards) dans ce quâon appelle le Quantitative tightening.
MalgrĂ© cela, les taux directeurs sont attendus Ă 2,8% dâici la fin de lâannĂ©e, ce qui est bien en deçà de la croissance de 7% des salaires.
Si nous nous fions aux calculs de la reserve federale dâAtlanta, qui utilise la « Taylor Rule » pour estimer les taux directeurs nĂ©cessaires pour une inflation Ă 2%, nous devrions dĂ©jĂ sur des fed funds rate (taux directeurs) entre 5,8% et 7%, bien loin des 1% actuels.
Au vue de caractĂšre un peu exceptionnel de la pĂ©riode actuelle (Ukraine/Russie, Covid en Chine), il est possible que le taux prescrit par la âTaylor Ruleâ surĂ©value le taux de rĂ©fĂ©rence nĂ©cessaire.
Pour une mise en perspective avec la période actuelle, passons en revue la politique monétaire des années 70
Pour comprendre cette pĂ©riode de « mauvaise politique monĂ©taire », il est important de garder Ă lâesprit que les banquiers centraux croyaient dans la courbe de Phillips, qui affirme quâil y a un lien direct entre lâinflation et lâemploi (plus dâinflation = plus dâemploi). Une thĂ©orie qui se fracasse face Ă la stagflation des annĂ©es 70.
La lĂ©gislation sur la "Great Society" du prĂ©sident Johnson a entraĂźnĂ© d'importants programmes de dĂ©penses dans un large Ă©ventail d'initiatives sociales, Ă une Ă©poque oĂč la situation budgĂ©taire des Ătats-Unis Ă©tait dĂ©jĂ mise Ă mal par la guerre du Vietnam. Ce qui a compliquĂ© la politique monĂ©taire encore plus.
Afin d'éviter les actions de politique monétaire susceptibles d'interférer avec les plans de financement du Trésor, la Réserve fédérale a suivi une pratique consistant à mener des politiques " à quille ".
Novembre 1965 : La FED, craignant une surchauffe de lâĂ©conomie, malgrĂ© lâopposition du PrĂ©sident Lyndon Johnson, a annoncĂ© une hausse des taux de 4% Ă 5%, Le S&P500 a chutĂ© de 22%. Lâinflation a commencĂ© Ă dĂ©cĂ©lĂ©rer, la FED en a profitĂ© pour rĂ©duire les taux Ă 4% Ă nouveau, lâinflation sâest remise Ă flamber
Juin 1969 : La FED, face Ă son Ă©chec Ă stabiliser lâinflation, annonce par le biais de son prĂ©sident William McChesnay: "Nous allons avoir une bonne dose de douleur et de souffrance avant de pouvoir rĂ©soudre ces choses." Le S&P500 chute de 34% de son pic.
Janvier 1973 : Arthur Burns est président de la FED, il entame une phase de hausse des taux de 5,5% à 10,5%.
LâannĂ©e 1973 est particuliĂšre, avec un Choc pĂ©trolier qui mĂšne Ă un quadruplement des prix du pĂ©trole. Lâinflation nâa pas dĂ©cĂ©lĂ©rĂ©. Il aura fallu remonter les taux directeurs Ă 13% pour constater une dĂ©cĂ©lĂ©ration en 74.
Le marché a touché son pic dés le début du resserrement, et chute de 48%.
Juillet 79 : La FED, dirigĂ©e par Volcker remonte les taux de 10% Ă 20%. Le S&P500 resiste bien, habituĂ© Ă ce que la FED rebaisse ses taux dĂ©s que lâinflation se tasse un peu. En effet, Volcker baisse les Ă 9,5% en Juin 1980, le S&P500 fait un plus haut historique.
Septembre 80 : Volcker comprend quâil doit casser ce cercle vicieux pour rĂ©ussir. Il choque le marchĂ© en remontant les taux Ă 20%, le S&P500 chute de 27% en dessous de son pic.
Source: Reuters
Quâest ce qui a permis au marchĂ© de rebondir Ă chaque fois ? une dĂ©cĂ©lĂ©ration de lâinflation qui a permis une baisse des taux directeurs.
Source: Reuters
Burns Ou Volcker ?
Les responsables de la Fed ont relevĂ© les taux d'intĂ©rĂȘt d'un demi-point en Mai et le prĂ©sident JĂ©rĂŽme Powell a signalĂ© qu'ils poursuivraient Ă ce rythme lors des rĂ©unions de juin et juillet pour freiner l'inflation, tout en repoussant le dĂ©ploiement d'une hausse plus importante de 75 points de base.
Juin et Juillet sont dĂ©jĂ dans les cours, et lâincertitude rĂ©side dans lâĂ©ventuelle hausse des taux en Septembre, Novembre et DĂ©cembre.
Bostic, de la FED dâAtlanta a lui annoncĂ©Â : « à mon avis, nous allons bouger quelques fois - peut-ĂȘtre deux, peut-ĂȘtre trois fois - voir ce qui se passe, voir comment l'Ă©conomie rĂ©agit, voir si l'inflation continue Ă se rapprocher de notre objectif de 2 %. Ensuite, nous pourrons faire une pause et voir comment les choses se passent. ».
Le 24 Mai, Esther George a aussi signalé que la FED réévalue la situation en Septembre.
Lundi 30 Mai, Le gouverneur de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale Christopher Waller a dĂ©clarĂ© lundi qu'il s'attendait Ă ce que les hausses de taux d'intĂ©rĂȘt de 50 points de base se poursuivent. Le responsable de la banque centrale a dĂ©clarĂ© qu'il soutiendrait les hausses qui dĂ©passent le niveau "neutre", actuellement fixĂ© Ă environ 2,5 % pour le taux d'emprunt de rĂ©fĂ©rence de la Fed.
Le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard, a déclaré qu'il souhaitait que la Fed relÚve ses taux à 3,5 % d'ici la fin de l'année, ce qui impliquerait des augmentations d'un demi-point de pourcentage lors de toutes les autres réunions de la Fed.
Tous pensent quâune rĂ©cession ne sera pas nĂ©cessairement dĂ©clenchĂ©e en raison de leur politique restrictive. Aucun dâentre eux, mĂȘme les plus « Faucon », ne milite pas pour un taux directeur au-dessus du taux de croissance des salaires. Les experts de la politique monĂ©taire pensent que la banque centrale amĂ©ricaine, malgrĂ© son ton agressif, ne fait que de rattraper le temps perdu. En effet, nous nous souvenons tous de cette fameuse inflation « transitoire ».
JĂ©rĂŽme Powell, le PrĂ©sident de la rĂ©serve fĂ©dĂ©rale, et trĂšs soucieux de ne pas dĂ©clencher une chute des marchĂ©s financiers, et pourrait lever le pied dĂ©s que lâinflation le lui permettra.
Cette semaine sera essemée de commentaires de différents responsables de la banque centrale américaine, et permettra de faire une idée plus claire sur la stratégie de la FED.